« Ces derniers temps, on fait un tabac sur le front de la recherche personnalisée pour l’innovation commerciale », a déclaré Ken Coles, directeur exécutif de Farming Smarter.
Farming Smarter est devenu le principal centre d’innovation agricole de l’Alberta. Cet établissement d’enseignement à but non lucratif de 300 acres, situé entre Lethbridge et Coaldale, dans l’Alberta, est décrit comme « un organisme de bienfaisance canadien créé par des agriculteurs pour les agriculteurs. » Les agriculteurs, les scientifiques et les agronomes travaillent ensemble pour développer de nouvelles connaissances et les transformer en renseignements pratiques pour les agriculteurs.
L’organisation a été créée en 2012 à partir de la fusion de la Southern Applied Research Association et de la Southern Alberta Conservation Association. M. Coles en est le directeur exécutif, mais il plaisante en disant qu’il est également le directeur exécutif de sa propre exploitation avec différentes cultures irriguées près de Coaldale.
Des petites parcelles d’essai aux champs
La recherche scientifique sur de petites parcelles a une grande valeur pour l’industrie agricole, mais une mise à l’échelle est nécessaire pour pouvoir relever les défis logistiques de l’agriculture commerciale moderne. Farming Smarter rend tout cela possible.
« Quand j’ai commencé, nous venions de signer un accord avec le Lethbridge College pour 60 acres de terre afin de pouvoir faire des démonstrations », explique-t-il.
« Aujourd’hui, nous faisons encore à la fois des études sur de petites parcelles et à grande échelle. »
Officiellement, 14 comtés et districts municipaux comprenant 12 millions d’acres de terres non irriguées et environ 2 millions d’acres de terres irriguées sont sous l’égide de Farming Smarter. Farming Smarter dispose d’une équipe de 10 employés à temps plein. Pendant la période de croissance des cultures, 10 à 15 étudiants et employés à durée déterminée s’y ajoutent. Les fonds de financement proviennent de subventions, de projets d’innovation commerciale, de parrainages et d’un système d’abonnement.
Farming Smarter fait office de passerelle permettant aux connaissances agricoles d’être transmises de deux manières : du haut vers le bas et du terrain vers le haut.
« Nous avons environ 160 essais en cours entre les projets financés par des subventions et nos contrats », explique M. Coles. « Cela représente environ 14 000 petites parcelles. » Les petites parcelles mesurent 2x6 mètres et ont généralement quatre répétitions. Environ 25 % des cultures se font sur de petites parcelles.
Les meilleurs résultats de la recherche sur petite parcelle sont ensuite mis à l’échelle pour être applicables à la taille d’un champ. Pour les agriculteurs et les éleveurs du sud de l’Alberta, c’est là que Farming Smarter brille vraiment. L’organisation prend à bras le corps les questions d’adaptabilité régionale et de confiance.
Adapter la technologie
« Les défis auxquels les agriculteurs sont confrontés sont de nature logistique », dit M. Coles. « Si la logistique ne fonctionne pas, alors l’aspect économique n’a pas d’importance. Nous disons souvent que la logistique l’emporte sur l’agronomie. »
Par exemple, si le meilleur résultat dans un essai sur petite parcelle peut être obtenu en mettant tout l’engrais dans une seule bande latérale, malheureusement cela ne sera pas applicable dans certaines fermes. Ils voudront peut-être diffuser l’engrais ou utiliser un pulvérisateur pour asperger la bande plus tard.
D’un autre côté, une entreprise peut vouloir présenter aux producteurs canadiens un produit qui a fait ses preuves dans un autre pays.
« Quels sont leurs défis ici à l’échelle de leur exploitation? Peuvent-ils paramétrer leur technologie ou leur produit aux contraintes de terrain qu’on a ici? Ces mêmes principes fonctionnent-ils dans nos types de sol? Nous pouvons les aider sur ces questions », explique M. Coles. « Les mesures d’adaptation qui doivent être prises sont en fait assez importantes, et sont très régionales par nature. »
Projets réussis
En tant qu’organisme de bienfaisance à but non lucratif, Farming Smarter n’est pas nécessairement motivé par le profit.
« Nous essayons d’établir une relation de confiance. C’est l’une de nos valeurs fondamentales, d’être impartial », dit M. Coles. « Nous cherchons des occasions d’aider nos agriculteurs, ce qui nous place dans une position assez unique. Il y a une diminution de la confiance envers le gouvernement et d’un autre côté, l’industrie est motivée par les profits. Quelque part au milieu, les agriculteurs doivent trouver ce qui leur convient le mieux et leur permettra un retour sur investissement. »
L’un de ses premiers petits projets a commencé lorsque les agriculteurs se sont posé des questions sur l’efficacité des herbicides avec la nouvelle pratique de pulvérisation nocturne. Certes, le système de contrôle automatique par GPS gère la machine après la tombée de la nuit, mais qu’en est-il de l’interaction entre mauvaises herbes, herbicides et cultures?
« Nous avons fait tout un tas d’études et avons fini par constater que la pulvérisation à la première heure du matin quand il fait assez froid était l’un des pires moments pour pulvériser », dit-il. « Souvent, les agriculteurs se levaient très tôt pour éviter le vent et pulvériser dans l’obscurité. »
« Nous avons constaté une réduction pouvant aller jusqu’à 30 % de l’efficacité des herbicides lorsque vous pulvérisez à la première heure du matin. Les agriculteurs l’ont très bien compris. Ils en ont également appris un peu plus sur les conditions à réunir pour une efficacité optimale, en particulier lorsque vous avez une résistance aux herbicides ou des champs particulièrement touchés par les mauvaises herbes. »
La résistance au glyphosate des souches de kochia est un problème croissant dans l’Ouest canadien, avec plus de 50 % des souches présentant une résistance.
« Nous avons été les premiers à se saisir du sujet, en parlant de kochia aléatoirement résistant au glyphosate », poursuit-il. « Nous avons travaillé avec les scientifiques locaux d’Ag Canada, nous avons mis en place des campagnes de communication et de vulgarisation et nous avons également réalisé de véritables études de recherche. À ce jour, nous travaillons toujours sur le kochia résistant au glyphosate. »
En plus de la gestion spécifique sur site, leur travail avec le kochia vise à mettre en place des pratiques qui soient à la fois économiquement viables pour l’agriculteur et durables sur le plan environnemental.
Tester de nouvelles idées
Il y a quelque temps, des agriculteurs ont demandé des renseignements à M. Coles sur de nouveaux produits qui prétendent aider les cultures à se remettre des dommages causés par la grêle. Il a essayé d’étudier les produits à l’échelle du champ, mais a constaté que la grêle était trop variable pour qu’il puisse parvenir à des conclusions probantes.
« Nous avons construit un simulateur de grêle et avons testé tout un tas de produits à différents moments et à différents niveaux de dommages », explique-t-il. « L’une des conclusions que nous en avons tirées, c’est que, le plus souvent, il n’y avait aucun intérêt à essayer de pulvériser des nutriments ou des régulateurs de croissance sur les cultures. Nous avons permis aux agriculteurs d’économiser beaucoup d’argent grâce à cette étude. »
Récemment, Farming Smarter a aidé à développer l’industrie du chanvre dans le sud de l’Alberta. « Notre but est de trouver comment le cultiver pour quelle utilisation finale », dit-il. « Nous jouons un rôle de passerelle ou de courtier en rassemblant les différents acteurs de l’industrie pour discuter des défis et des opportunités liés au développement de cette nouvelle culture. »
M. Coles et son équipe utilisent un
tracteur New Holland T4.90 équipé pour l’ensemencement des parcelles de recherche, la pulvérisation d’entretien, le travail du sol et d’autres activités nécessaires aux essais ainsi qu’un
tracteur T8.330 pour des travaux de terrain de plus grande ampleur.
Combler le fossé entre la science et l’agriculture
Des changements radicaux étaient en cours dans l’agriculture pendant les premières années de travail de M. Cole. L’accent a été mis sur la conservation, sur le passage des rotations blé-jachère aux rotations entre blé et pois et sur la réduction du travail du sol. Puis la diversification des cultures est arrivée.
Aujourd’hui, Farming Smarter travaille avec des projets plus petits et plus ciblés parmi un large éventail de technologies et d’opportunités, tout en cherchant à renforcer la confiance qu’on leur accorde pour traiter les vraies questions qui se posent dans cette nouvelle ère.
« Nous jouons un rôle de passerelle entre les scientifiques, les fabricants et ce qui se passe dans les exploitations », ajoute-t-il. « Il y a des choses que nous avons lancées, mais l’agriculture est une très très grande industrie et un grand commerce. Il y a beaucoup de choses qui bougent, mais nous avons toujours joué un rôle important dans le rapprochement de ce tout qui se fait ainsi que dans notre propre travail. »
« Je pense que cela relève de la recherche quand on s’intéresse aux exploitations et qu’on fait des changements et des adaptations graduels pour que les agriculteurs s’y retrouvent. C’est pourquoi nous avons ces différents programmes au sein de Farming Smarter, à la fois sur les petites parcelles et à l’échelle du champ, ainsi que des moyens de communication sur plusieurs axes. »